MÉROÉ

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C’est sans doute à la dévastation de Napata, lors du raid égyptien de Psammétique II en \MÉROÉ 591, qu’il faut attribuer le transfert de la capitale koushite de Napata à Méroé, c’est-à-dire, bien au-delà vers le sud, non loin de la sixième cataracte du Nil. Napata demeura toutefois la capitale religieuse du royaume; aussi les souverains continuèrent-ils à se faire enterrer dans la nécropole de Nouri jusqu’à la fin du \MÉROÉ IVe siècle.

En \MÉROÉ 525 se dessine la menace perse; l’armée de Cambyse ne put franchir la deuxième cataracte du Nil et dut se replier avec de lourdes pertes; pourtant, les Perses ont compté les habitants de Koush parmi leurs sujets; faut-il admettre qu’une frange de la Nubie était restée dans leur obédience?

Le transfert de la capitale à Méroé peut aussi s’expliquer par des raisons climatiques et économiques. Aux ressources de l’élevage s’ajoutaient celles de l’agriculture, fort possible dans cette zone de pluies d’été; de vastes bassins d’irrigation (hafirs ) furent creusés à proximité des grands sites. Le commerce devait être actif; Méroé constituait un carrefour de choix pour les voies caravanières entre la mer Rouge, l’Érythrée, le haut Nil et le Tchad. Mais surtout, l’abondance relative des arbres et des buissons fournissait le combustible nécessaire au traitement du fer; des amoncellements de scories attestent à Méroé l’ampleur d’une activité industrielle intense: Méroé a pu être appelée avec quelque exagération la Birmingham de l’Afrique.

Les premières fouilles de la ville antique, qui s’étend en une vaste zone sur la rive est du Nil, près du village moderne de Begarawiya, datent de 1909-1914, et de nombreux secteurs sont restés longtemps inexplorés. Les travaux, qui ont repris sur le site depuis 1965, ont permis de découvrir des fours destinés au traitement du minerai de fer et d’étudier des temples qui fournissent de précieux repères chronologiques, l’histoire de la ville demeurant bien mal connue.

C’est à l’est de la cité que sont situés les principaux monuments et les nécropoles. Le temple d’Amon, dieu dynastique, est construit en brique, entouré d’une enceinte; son plan ne diffère pas grandement de celui des sanctuaires égyptiens; son téménos renferme des édifices royaux. Une autre enceinte, accolée à celle du temple, groupe des palais et des thermes. Ce complexe semble remonter au \MÉROÉ VIe siècle, mais l’occupation majeure se situe du \MÉROÉ IIe siècle au Ier siècle après J.-C. Des ruines qui s’étendent à environ deux kilomètres à l’est de la ville doivent peut-être s’identifier au temple du Soleil dont parle Hérodote (II, 29): une rampe conduit à une plate-forme qui supporte le sanctuaire entouré d’un portique à colonnes; les murs extérieurs de ce podium sont décorés de reliefs représentant des prisonniers, des scènes de victoires et de processions; l’édifice semble dater du règne d’Aspelta (\MÉROÉ VIe siècle), il a été restauré à la fin du \MÉROÉ Ier siècle. Le temple du lion Apedemak, dieu typiquement méroïtique, fut construit au sommet d’un crassier, également à l’est de la ville; le seul témoignage chronologique est une base de statue au nom du roi Teqerideamani (246-266). Au nord de l’enceinte royale se trouve le temple dit d’Isis. Dans son état le plus récent, il date de la fin du \MÉROÉ Ier siècle. D’autres temples de la cité sont bien mal connus; au nombre des dernières découvertes se comptent plusieurs sanctuaires qui jalonnent une allée d’honneur menant à l’entrée principale du grand temple d’Amon.

Un peu plus à l’est de la cité se pressent les nécropoles civiles: au nord les plus anciennes, du \MÉROÉ Ier siècle à la fin du IIe siècle; au centre et au sud, des sépultures s’échelonnant jusqu’à la fin de l’époque méroïtique. Elles sont toutes à peu près du même type; le caveau est recouvert en surface d’un monticule de sable ou de gravier; les corps sont souvent placés sur des lits de bois, selon la coutume locale.

De nombreuses tombes privées ont également été trouvées dans les nécropoles royales, qui s’étendent encore plus loin vers l’est et forment trois groupes nettement séparés. Plus que les temples, ce sont les cimetières qui nous renseignent sur l’histoire de l’Empire méroïtique. Informations bien fragmentaires cependant, car des périodes entières demeurent encore totalement obscures. Le cimetière sud, le plus ancien, se compose surtout de fosses privées — plus de deux cents. D’autres sont des mastabas ou des pyramides appartenant probablement à des membres de la famille royale. Trois souverains y sont également inhumés: Arakakamani (\MÉROÉ 295 env.-env. \MÉROÉ 275), le premier souverain méroïtique qui ne soit pas enterré à Nouri, Amanislo (env. \MÉROÉ 275-\MÉROÉ 260) et la reine Bartare (env. \MÉROÉ 260-\MÉROÉ 250). Après quoi, les souverains et leurs proches se firent enterrer dans le cimetière nord, le plus important, qui fut utilisé jusqu’à la fin des temps méroïtiques. Les sépultures sont conformes au schéma traditionnel, déjà observé à Kurru et à Nouri, près de Napata. Elles sont marquées en surface par une pyramide constituée d’un noyau de déblais et de cailloux, puis appareillée de blocs de grès. Une chapelle cultuelle, construite sur la face est de la pyramide, est précédée d’un pylône. Les murs de la chapelle sont couverts d’inscriptions en hiéroglyphes égyptiens. Les reliefs sont dans la tradition égyptienne; ils présentent des scènes rituelles ou les souverains devant diverses divinités. Une descenderie, dont le départ se trouvait à l’est de la chapelle, donnait accès aux départements funéraires creusés dans le rocher, sous le monument. Les pyramides les plus tardives sont sommaires, pauvres et souvent construites en brique. Une grande nécropole, située au sud-ouest des deux autres, comporte environ cinq cents tombes très endommagées du \MÉROÉ Ier siècle à la fin de l’histoire méroïtique, probablement celles de notables ou de membres secondaires de la famille royale.

Méroé ne resta pas totalement coupée de l’Égypte et du monde méditerranéen, comme aurait pu le laisser présager le retrait vers le sud après le raid égyptien sur Napata. Le souverain koushite Ergamène (l’un des trois rois méroïtiques Arakakamani, Arqamani ou Arnekhamani?) renoua les relations avec l’Égypte lagide. Diodore (III, 5) le dépeint comme un roi imprégné de culture grecque; des objets hellénistiques retrouvés dans les tombes de la ville de Méroé témoignent de rapports avec l’Égypte ptolémaïque et le monde méditerranéen.

Une tête en bronze, provenant d’une statue d’Auguste, découverte sous le seuil d’un des palais de Méroé, évoque un épisode fameux, un des rares où Méroé apparaisse sur la scène de l’histoire universelle. À la suite du sac d’Assouan par les Méroïtes, le préfet de l’Égypte devenue romaine, Petronius, s’empare de Napata en \MÉROÉ 23. On en arrive à un traité de paix négocié à Samos (\MÉROÉ 21-\MÉROÉ 20). La frontière entre l’Empire romain et celui de Méroé fut établie à Hierasykaminos (Maharraqa). Strabon, Pline et Dion Cassius rapportent que les négociations avec les envahisseurs romains furent menées par une Candace borgne, quelque peu hommasse, que l’on hésite à identifier avec Amanirenas ou Amanishakhete, reines qui occupèrent une place prépondérante aux alentours de l’ère chrétienne, un des points culminants de la civilisation méroïtique. Strabon (Géographie , XVII, 54) est le premier à parler de ces énergiques reines méroïtiques immortalisées par la tradition classique sous le nom de Candace. La grande pyramide de la reine Amanishakhete, dans la nécropole royale nord de Méroé, a livré en 1834 à l’aventurier Ferlini les joyaux qui font aujourd’hui la gloire des musées de Munich et de Berlin; d’un luxe chargé et quelque peu barbare, ils montrent la richesse du royaume méroïtique à cette époque.

C’est sans doute aussi sous le règne d’Amanishakhete qu’il convient de placer un épisode des Actes des Apôtres (VIII, 26-39): sur la route de Gaza, le diacre Philippe convertit un «Éthiopien, un eunuque, haut fonctionnaire de Candace, reine d’Éthiopie, et surintendant de tous ses trésors». Ce témoignage atteste la présence de Méroé — en réalité ou en réputation — loin de la haute vallée du Nil. Les relations avec l’Empire romain semblent d’ailleurs s’être maintenues, car le titre d’ambassadeur à Rome est attesté dans les inscriptions méroïtiques.

Nous savons très peu des derniers siècles de Méroé. La part indigène devient de plus en plus considérable. L’absence d’objets égyptiens ou méditerranéens dans les sépultures tardives indique une coupure des influences extérieures, cause ou conséquence de la décadence. Les Méroïtes, qui avaient toujours triomphé des incursions des tribus nomades, sont désormais devenus une proie tentante pour leurs voisins: Axoumites au sud, nomades Blemmyes à l’est et Nubas à l’ouest. C’est sans doute à ces derniers qu’il convient d’attribuer la chute de l’Empire méroïtique. Vers 330, le premier roi chrétien d’Axoum, Ezana, se vante, dans une inscription d’Axoum, d’avoir fait une expédition fructueuse de butin «contre les Nubas» dans l’île de Méroé; le royaume méroïtique s’était donc déjà effondré lors de la campagne d’Ezana. D’ailleurs les inscriptions en méroïtique ont alors cessé. La fouille d’un temple de la ville de Méroé a révélé que l’édifice avait été saccagé et détruit par un incendie, puis converti en habitations domestiques, bien avant l’attaque d’Ezana. Méroé, tombée en décadence, semble avoir été délaissée par la famille royale et les classes dirigeantes; selon certaines thèses, quelques éléments de celles-ci auraient pu s’enfuir à l’ouest du Nil et s’établir au nord du Darfour.

Méroé ou Merowe
v. au N. du Soudan, sur le Nil en aval de la 4e cataracte, cap. du royaume de Koush de 530 av. J.-C. à 330 apr. J.-C. D'abord liée à l'égypte, elle s'africanisa de plus en plus. Ses vestiges (architecturaux et sculpturaux) montrent que la civilisation méroïtique associa les influences égyptienne et hellénistique.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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